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cogomis

Sesibahoura tire, de la cendre rouge, un poisson et le jette à sa mère. La pauvre vieille, semblable à une momie qui se ranimerait, allonge la main et cherche sa mangeaille tombée à côté d’elle, dans la neige. Au point du jour, la traîne repart, escortée de ses trois chasseurs en raquettes et chargée d’objets informes dont le buste courbé de Cogomis se distingue à peine. De nouveau elle file, au galop de ses chiens maigres, vers des régions inconnues.

À l’est de la baie James, s’étend une grande plaine où abondent les lichens et les caribous des champs qui s’en nourrissent. C’est, en hiver, un désert de neige dont n’émergent çà et là que des granits erratiques, des bouleaux rabougris et les maigres saulaies qui bordent les rivières. Là règne le vent qui pince et cingle, fait poudrer et durcit la neige ; là le caribou et l’aquilon rivalisent de vitesse.

On y fait de bonnes chasses, pourvu toutefois qu’il neige à plein ciel, jusqu’à effacer complètement le paysage, afin que le gibier n’évente pas le chasseur de trop loin.

Lorsqu’elle entre dans ces parages, la vieille aveugle le sait : l’air devient plus vif, le vent plus constant et plus régulier ; les échos achèvent de se taire ; les chiens allongent le pas.

Que la température s’adoucisse et que, du haut des airs, les trilles et le pépiement des oiseaux de