ils chassent tout l’hiver, ce qui veut dire, en ces régions, les deux tiers de l’année. Presque toujours errants, ils traînent en tabogane, non sans beaucoup d’ennuis, leur mère infirme, de plus en plus impotante, à laquelle il faut des soins ; qu’ils doivent réchauffer, porter quelquefois : autant d’épreuves pour leur patience et leur piété filiale. De méandre en méandre, ils suivent les rivières gelées, bordées d’arbustes roussâtres, de caps chenus, de forêts sombres, et qui semblent vouloir dérouler indéfiniment la morne sauvagerie de leurs rives.
Sous de noirs sapins, la longue traîne qui porte l’aveugle, entre et s’arrête à la tombée de la nuit. Pendant quelques temps on y travaille dans l’ombre, écartant la neige, déroulant des écorces, cassant des branches sèches pour le feu.
Les coups de hache, les grognements des chiens qui se disputent leur pâture, leurs cris de douleur sous le bâton qui les remet d’accord, restent presque sans écho. Les rochers et les bois, si sonores en été, se taisent comme engourdis par le froid.
Puis le feu s’allume et ses reflets se mettent à trembler sur les costumes sauvages, les chiens hagards, les loques de fourrures et la face aux yeux vides de l’octogénaire.
De temps en temps brillent, parmi la fumée et des envolées d’étincelles, les yeux louches d’Awessenipin qui brasse le feu.