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COGOMIS


Au bord de la rivière Abbitibbi se dresse un rocher grandiose dont les anfractuosités attirent les chouettes et les corbeaux. Coupé à pic du côté de l’eau, il a ses autres flancs quelque peu hérissés de maigres sapins. On en voit de loin le sommet coiffé de mousses grises, surtout lorsque les ombres du soir couvrant déjà la vallée, il reflète encore la splendeur mourante du couchant.

Trop pittoresque est cette ruine de la nature pour que les anciens sauvages ne l’aient pas peuplée de génies. Dans l’eau qui en baigne la base, ont dû se cacher autrefois les Nibanabègues jaloux des canotiers ; les manitous défiants des cavernes en ont habité les fentes ; et les Poukouaginins, le sommet d’où ils saluaient le peintre de l’aurore. Les Imakinacs y dansèrent en face de l’étoile du soir, et leurs voix de cigales sont parvenues jusqu’aux oreilles du chasseur.

À ce poétique enchantement l’enfant des bois devenu chrétien ne croit plus, et pourtant, qui oserait dire que les vieilles superstitions si longtemps chéries, ne murmurent plus, comme des