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la fiancée du manitou

et les abords de la grotte aux Esprits, passer de longues heures, cachés près de l’étang ; ils eurent beau pénétrer dans les plus obscures retraites de la forêt et revisiter cent fois tous les lieux pittoresques dont leur fille aimait à parler, ce fut peine inutile. Ils espéraient avec leur flair de sauvages, découvrir quelques pistes sur le sable des grèves, quelque lit de feuilles sèches au pied des rochers… Illusion ! Aucun indice ne leur révéla jamais le passage de l’être chéri qu’ils avaient perdu. Avec le temps, ils se lassèrent de chercher : leur amour ne se consola jamais.

Longtemps après l’événement douloureux, on aurait pu reconnaître la mère de Lilino, à ses cheveux en désordre, à sa persistante tristesse, à ses yeux rougis par les larmes. Bien que plus contenue, la douleur de son père ne fut pas moins profonde. L’un et l’autre se reprochèrent toujours, combien amèrement ! de n’avoir pas surveillé la jeunesse de leur fille, d’avoir laissé se fortifier ses inclinations bizarres et de les avoir ensuite inconsidérément contrariées.

***

Par un soir très calme, sous un ciel encore embrasé par l’astre disparu, des pêcheurs ont jeté l’ancre en face de Manitouak, et tendent leurs