c’est lui dont on voit briller les yeux, la nuit, comme de petites lumières bleues, sur l’étang des nénuphars ; lui qui attire les chasseurs au fond des bois et les égare, en imitant les pleurs d’un enfant. Mais la pauvre mère n’est pas au bout de ses surprises et c’est tout pensive, le cœur angoissé, qu’elle revient de la pinière.
Plus la jeune fille se plaît à fréquenter ce bois fatal, plus elle devient songeuse et se dégoûte de la vie réelle. Taciturne, sans attrait pour le travail et même pour les amusements propres à son âge, elle fuit jusqu’à ses compagnes d’enfance. À leurs discours comme à leurs jeux, elle ne sait guère plus qu’assister, l’esprit distrait. Comment l’occuper et la divertir ? se demandent ses bons parents ; comment éloigner le manitou qui semble bien l’avoir ensorcelée ?
Dans l’espoir de l’intéresser, sa mère se met à lui confectionner de beaux habits qu’elle brode en porc-épic et enjolive de peinturlures. D’un œil réjoui, Lilino la voit coudre à l’épaule une dépouille d’oiseau-mouche, son totem. Tout ce joli travail lui plaît : elle aide même sa mère ; mais il devient bientôt évident que c’est pour aller mieux parée à Manitouak. Pour toute autre occupation, c’est la même apathie persévérante.