Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
la fiancée du manitou

rameaux, elle voit l’azur céleste où volent de blancs nuages, où la vue s’égare dans le vague. Toute son âme candide passe dans ses yeux et, d’une voix sombrée à l’instar de celles qu’elle entend, elle recommence à parler aux esprits :

Là-haut, dans les ombres flottantes,
Crois-tu que je ne t’entends pas,
Fuyard esprit des pins qui chantes
Et chuchotes et ris tout bas ?

J’aime ton joli babillage
Avec le manitou du vent.
Tous deux vous hantez le feuillage
Et vos jeux le rendent vibrant.

Les rameaux vous servent de voiles,
Et vous regardez à travers :
J’y vois luire, ainsi des étoiles,
Vos yeux de flamme aux longs cils verts.

Sa mère ne peut saisir d’autres paroles prononcées d’une voix encore plus douce et plus faible ; mais ce qu’elle vient d’entendre lui paraît si extraordinaire qu’elle ne peut en croire ses oreilles. Elle ne peut non plus s’empêcher de penser à certain manitou nommé Plume-Verte et bien connu pour habiter la pinière. Pensée peu rassurante : c’est cet esprit qui agite les feuilles lorsqu’il ne vente pas ;