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la fiancée du manitou

de guider son canot, s’il est sur le lac et surpris par le vent.

Elle prend si souvent le chemin de ce bois, elle en revient chaque fois si visiblement impressionnée que ses parents la soupçonnent enfin de subir l’influence de quelque charme.

Elle y fait des séjours de plus en plus longs, devient plus rêveuse, plus réticente aussi depuis qu’elle devine l’inquiétude causée par ses absences.

Après tout, il peut y avoir du vrai dans ce qu’elle a si souvent répété. Sa mère finit par s’en convaincre, et, pour en avoir le cœur net, elle la suit un jour, de loin et sans être vue, jusqu’au fond de la ténébreuse pinière.

***

Sous les ombrages percés de chaude lumière, à travers la colonnade des hauts pins, elle court presque, la sauvage enfant. En sautillant comme une chevrette, elle dévale enfin vers le ruisseau et disparaît complètement aux yeux perçants qui la suivaient.

Sans faire de bruit, sa mère approche de la côte, choisit une pointe avancée et s’y glisse sous des ifs presque rampants. De là elle voit, sans pouvoir être vue, le bois et le vallon. En bas, l’onde claire passe, ici à peine ridée, là frissonnante sur un lit de gravier et donnant l’illusion d’un réseau bleu céleste,