Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
la fiancée du manitou

lement des grottes, les symphonies plaintives des vagues, du vent et des oiseaux de rivage, exercent sur elle une attraction de plus en plus irrésistible. Dès qu’elle peut s’échapper de la cabane paternelle, elle court vers quelque site pittoresque.

Mais, de tous les lieux enchanteurs, aucun ne l’attire autant que la pinière de Manitouak. Est-ce parce que la poésie algonquine l’a peuplée d’Imakinacs et de Poukouaginins, et en a fait une espèce de bois sacré ?

Cette pinière longe le bord des eaux et une antique coutume défend aux canotiers de passer en face tout droit. Aussi ne manquent-ils jamais, même par un gros vent, de pousser une pointe vers le rivage. Sans atterrir, ils y lancent quelques jolis coquillages, offrande appréciée des manitous qu’ils se rendent ainsi favorables, et de nouveau s’élancent, confiants, au milieu des vagues.

Lilino ne se lasse pas de parcourir ce bois mystérieux et même redoutable à cause des Nibanabègues, génies sournois des eaux, qui fréquentent la grève. Elle y folâtre le long d’un ruisseau, parmi les hautes herbes, et souvent disparaît dans les talles d’eupatoire, sous la pourpre des larges corymbes. En jouant, elle cueille des fleurs, et revient avec de l’arum écarlate dans les cheveux, enguirlandée de blanche clématite ou d’apios aux grappes lilas et parfumées.