venant sinistre sur le seuil ardent de l’abîme, c’est d’abord un même cri multiplié à l’infini par toutes sortes de gosiers. On dirait les mille voix de la nature essayant de se mettre d’accord et préludant, par des mesures perdues, à quelque divin concert. On dirait une sonnerie cristalline de glaçons, mêlée au gazouillement des ruisseaux et des hirondelles au sifflement de la bise dans les falaises, à un immense bruit d’ailes et à cent autres rumeurs indéfinissables.
Mais de même qu’à distance on voit mieux l’ensemble d’un paysage, ainsi à mesure que s’éloigne cette confusion, les discordances s’effacent et de plus en plus nettement, on distingue des vagues de voix douces, pures et sonores, comme les trémolos de grenouilles, dans les marais, par les soirs de printemps. Et de chacune de ces vagues se dégage un mot unique : Michinitou ! Michinitou ! c’est-à-dire Le Mauvais-Esprit ! Le Mauvais-Esprit !
Ce nom indéfiniment répété, exprime, dans la bouche des génies, l’horreur et l’épouvante qui les font s’enfuir ; et le silence, autour du monstre, grandit à mesure que s’éloignent leurs bandes éperdues
Telle fut l’origine de Michinitou, l’auteur de tout mal et le père des mauvais esprits.