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mineux, et couvre de son ombre l’île tout entière.

D’aussi loin que peut voir le regard des esprits, les manitous aperçoivent le singulier phénomène, et, de tous côtés, les voici qui viennent. Les uns chevauchent sur de légères vapeurs ; d’autres descendent en suivant des rayons de soleil qui, çà et là, percent la fumée. Il en vient des volées qu’on prendrait pour de longues théories de petits nuages roses ou lilas.

Du continent arrivent les Poukouaginins et les Imakinacs, aux ailes de papillon, aux longues chevelures cendrées, verdâtres ou feuille-morte. La mer jette sur le rivage ses myriades de Nibanabègues tout chatoyants de nacre et d’émail. Les obscurs manitous du sol qui voient les plantes par leurs racines, surgissent de l’humus. Du fond des marais, il y en a qui montent par les tiges en spirale des nénuphars.

Et les voici tous qui fourmillent sur le sol et dans les airs. Les plus petits gravissent les roches qu’ils empanachent de leurs silhouettes vaporeuses. Les plus grands, répandus dans la plaine, lui donnent l’apparence d’un vaste jardin irisé de fleurs.

Il y en a aussi de minuscules qui remplissent les airs, par bandes comme les moucherons au-dessus des eaux mortes, à l’heure du soleil couchant. Sous la voûte enfumée, papillonnent et miroitent leurs ailes qu’on prendrait pour des pétales volantes de bou-