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chémanitou et machinitou

tourbillonner le sable des grèves. À travers de sombres nuages, de rares filets de lune tombent sur les champs de laîches ondoyantes.

Et voici que, dans l’ombre, s’allument deux yeux d’émail vert, et se dessine la souple silhouette d’une panthère qui vient, la patte en arrêt, flairer les pieds semblables aux siens de la statue. Presque en même temps, un vautour bat des ailes en face du nez crochu. Chémanitou l’écarté de la main, et, sous un rayon de lune, aperçoit à terre, autour de son œuvre, des lézards, des porcs-épics et des serpents qui contemplent leurs images.

À cette vue, un monde de pensées impénétrables pour nous, s’éveille dans son cerveau et absorbe toute son activité. Il se dit probablement que la similitude est un principe d’attraction et qu’aucun des êtres faits jusqu’ici ne se rapproche à la fois des animaux et des esprits. Ainsi se forme peu à peu dans sa tête le projet d’une créature qu’il fera, non plus sur le modèle des êtres purement terrestres, mais à sa propre image et qui sera hautement intelligente en même temps que corporelle.

La montagne dont la cime s’enfonce dans les nuages, est moins majestueuse que le Grand-Esprit immobile, les yeux fermés et le front voilé de sa main. Longtemps, longtemps il reste plongé dans ses réflexions. Les jours, les lunes avec leurs croissants et leurs déclins, se succèdent ; il pense toujours. L’hi-