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chémanitou et machinitou

sé de squames et invulnérable. Le contraste est horrible et voulu ; mais le corps penche en avant. D’un serpent noir qu’il saisit au passage, Chémanitou lui fait une queue dont le contre poids le redresse et qui, en se tortillant, produit un effet désiré.

« À ceci, ajoutons la puissance, » se dit le Grand-Esprit, et ses mains pétrissent de robustes épaules de bison, avec un col haut, voûté, hérissé d’une épaisse fourrure.

Pieds et jambes, corps et épaules, sont faits sans trop d’hésitation ; mais rendu à la tête, Chémanitou, moins sûr de lui-même, s’arrête et réfléchit longtemps.

Prenant enfin sur ses genoux de la glaise, il la pétrit en boule et, encore tout pensif, la met sur le col où il lui donne la forme d’une tête basse et menaçante de bison.

Devant lui se dresse toujours l’énorme statue aux orbites creux. Les espiègleries des Nibanabègues encore présentes à sa mémoire, lui donnent l’idée d’une tête plus clairvoyante. S’il faisait à sa nouvelle créature des yeux de langouste, elle verrait de tous côtés, sans tourner la tête. Il lui pose donc deux yeux sertis aux extrémités de longues tiges flexibles qui s’élancent de chaque côté du front.

Celui-ci, large, bas et proéminant, trahit déjà le futur séjour d’une sagesse ténébreuse, féconde en mensonge et en perfidie, et qui réclame une langue