Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.
179
chémanitou et machinitou

même effrayé. « Grandeur démesurée, organes puissamment destructeurs : cette bête aura tout ce qu’il faut pour rompre l’harmonie de la nature », se dit Chémanitou ; après plusieurs jours de réflexions, il n’ose pas lui donner la vie.

Abandonné au milieu de l’île, longtemps le colosse y résiste aux intempéries. Plusieurs fois l’hiver lui amoncelle de la neige sur le dos, lui tapisse les flancs de verglas, lui suspend à la gueule une longue barbe de cristal. Sur sa toison de frimas, le souffle de Kabébonicka soulève comme une fumée de blanche poudrerie… Chaque printemps, les oiseaux de mer viennent remplacer la neige et lui couver sur le dos.

Ce quadrupède d’argile ne peut se soutenir toujours, sa masse énorme devra s’effondrer sous son propre poids.

Un matin d’avril : bruit formidable et vaste tournoiement d’oiseaux affolés au-dessus d’un tourbillon de poussière qui monte… Le vent balaie la poussière et découvre ainsi la statue… Elle s’est écroulée par le milieu. La tête et la croupe penchent en sens inverses, arc-boutées chacune par deux jambes colossales. Le spectacle n’est que plus terrifiant : il représente maintenant deux énormes bêtes dont l’une essaie d’entrer dans la terre et l’autre d’en sortir.

C’était prévu, Chémanitou regarde, marche vers