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en mocassins

doucement et rumine peut-être de nouvelles surprises.

Depuis plusieurs jours persévèrent ce travail et ces jeux, lorsqu’un immense rideau noir monte, survole l’horizon et s’avance entre la mer sombre et l’azur. Chémanitou s’éloigne aussitôt de son œuvre afin de la voir en perspective dans la tempête.

Déjà, le vent roule à plein ciel de lourds nuages et les oiseaux tonnerres quittent, selon leur coutume, le sommet des Alleghanys pour sillonner le réservoir aérien de l’orage. Tandis que tout tremble au bruit de leurs ailes furibondes, leurs yeux pleins d’éclairs remarquent de loin la silhouette géante et ils en prennent la tête pour une de ces cimes auprès desquelles ils aiment à s’amuser. Aussitôt ils l’entourent et la prennent pour cible.

Au milieu d’un croisement de traits et de zigzags enflammés, cette tête sublime devient horrible à voir. Tour à tour, elle brille, toute illuminée, sous le ciel sombre ; ou se détache, noire, sur un fond d’éclairs vertes et palpitantes ; mais aucun jeu de lumière ne peut en changer l’aspect réellement sinistre.

Chémanitou laisse faire les oiseaux fulgurants et les empêche seulement de détériorer l’argile de sa statue. Tout le temps que dure l’illumination fantastique, il observe son œuvre et, le croira-t-on ? lui trouve des airs si redoutables, qu’il en est lui-