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chémanitou et machinitou

vais-Esprit, et fait le sujet d’un récit merveilleux dont voici les principaux épisodes.

Tous les esprits des airs et des eaux, engagés dans la poursuite d’on ne sait quel plaisir, s’étaient tenus pendant plusieurs jours éloignés de Métouac. Ils y revenaient lorsqu’ils y aperçurent une espèce de mont bizarrement découpé. « Un mont ne pousse pas ainsi », se dirent-ils. « Non ; ce doit être une œuvre nouvelle de Chémanitou, quelque énorme quadrupède en glaise » ; et tous se hâtent vers l’île afin de contempler la merveille.

À peine commencent-ils à voler au-dessus du rivage, qu’ils voient, non sans sourire un peu, l’émoi des manitous souterrains. De leur argile si largement pillée, ces pauvres proscrits de la lumière, sortent leurs innombrables petites têtes aux yeux de taupe, et curieux, étonnés, regardent, à travers le clair rideau des herbages, la sombre énormité qui échancre le bord du ciel.

Bientôt des centaines de génies voltigent autour du futur animal et l’examinent à loisir. Ceux de la mer prennent un plaisir espiègle à se cacher dans ses gigantesques oreilles, à courir sur les longues dents recourbées qui lui sortent de la gueule, à gambader sur les rebords de ses yeux.

Le Grand-Esprit dont la vue pénètre et traverse les corps les plus opaques, feint de ne pas les voir. Tout en finissant d’autres parties du colosse, il sourit