Page:Guindon - En Mocassins, 1920.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
en mocassins

énormes pieds et le fait trembler jusqu’au bord de la mer… Le voici qui commence à marcher, trépigne ; ses jambes ne savent pas encore s’accorder. L’air farouche, il bat de la queue, fixe ses gros yeux sur tous les objets.

C’est le moment où son sort va se régler. Suivi de l’œil par son Auteur, il heurte les roches de ses pieds novices en essayant de courir. Encore un peu d’exercice et voici que, maître de ses mouvements, il bondit, joue et folâtre, s’arrête pour respirer bruyamment et mugit…

S’il a le don de plaire à Chémanitou, il est libre désormais. D’abord, il prend ses ébats sur l’île, mais il peut la quitter et ne tarde pas beaucoup à le faire. À peine a-t-il aperçu de loin les forêts du continent, qu’il se jette à la mer et nage vers le couchant. Il fend bruyamment les vagues, et l’eau qui lui remplit le nez en rejaillit avec violence. Derrière lui s’allonge une traînée d’écume sur les flots troublés. Sur la côte, mystérieuse encore, il monte enfin, arrose en se secouant tout un paysage et disparaît dans les bois.

La statue gigantesque et la cave aux rebuts.

Non moins puissant en volonté qu’habile de ses mains, Chémanitou peut mettre en œuvre des masses énormes de matière. Son entreprise la plus colossale a des rapports curieux avec la création du Mau-