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en mocassins

le bout en nœud coulant saisit, pour ainsi dire, aux cheveux le géant des forêts, et il n’y a plus qu’à tirer. Le tronc lui-même fonctionne comme un énorme bras de levier à l’égard des racines qui cassent ou s’arrachent en bouleversant le terroir. Le feu se charge de débarrasser le champ.

Mais tout cela les occupe si peu, qu’au logis, ils ont l’air de se regarder comme les hôtes de leurs femmes, hôtes taciturnes, presque toujours couchés sur leurs nattes, fumeurs et songe-creux, lorsqu’ils sont fatigués de chanter et de danser, de jouer aux noyaux ou aux pailles, de lancer la balle avec la raquette ou de raconter leurs exploits.

Au sexe faible échoue en partage tout le travail assidu : l’économie domestique ou rurale et la plupart des industries. Aussi, la mère, bien que tendre, n’a-t-elle guère le temps de dorloter le bébé ; le chéri, attaché dans sa nâgane[1] et suspendu à une branche, au mur ou au chevron de la cabane, se familiarise de bonne heure avec les mouches, la fumée, le soleil et la solitude.

Les jeunes filles travaillent assez peu. Tandis que leurs petits frères chassent aux oiseaux, gibier dédaigné par les hommes, elles vont à la cueillette des framboises, des bleuets, des châtaignes, des faînes et même des glands ; ou bien elle boucanent les viandes, fondent les graisses qu’elles mettent

  1. La nâgane est le berceau indien.