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le paradis perdu

d’épais nuages retardent le dénoûment, car ils servent d’appui à la femme participante de leur légèreté céleste. Aussi la bienfaitrice d’Atta, anxieuse, le cou dressé au milieu des goëmons glauques, la voit-elle embrasser éperdument ces vaporeuses planches de salut, tomber de flocon en flocon ou se reposer sur des montagnes volantes que disloque le vent.

Sur l’aile capricieuse d’une rafale, elle remonte parfois et disparaît dans un nimbus gonflé d’orage. Puis de nouveau, la tortue voit ses bras éplorés s’agiter dans une ombre bleu-noir ou sa silhouette continuer, par glissades le long des nuages blancs ou violâtres, sa descente tragique.

Longtemps, l’épouse d’Agohao, jouet des météores, reste suspendue à des hauteurs vertigineuses au-dessus de la mer. Enfin, perdant son dernier appui, elle tend désespérément les bras, tombe avec une rapidité d’étoile filante sur l’île et y demeure inerte.

***

Une épaisse couche de plume dans laquelle Atta s’est enfoncée en tombant, lui a sauvé la vie.

Peu à peu, elle recouvre l’usage de ses sens, se remet de sa fatigue et de ses émotions inouïes. Elle conserve même sa beauté céleste que font ressortir ses vêtements brodés en plume de colibris, son triple collier et ses bracelets si brillants que, du fond de