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le paradis perdu

serpent. Je lui lance une flèche, le perce de part en part, et aussitôt le monstre se débat, se tord ; enfin il agonise. Au-dessus des eaux, je vois tantôt sa queue en spirale, tantôt sa gueule ensanglantée aux longs crochets blancs entre lesquels s’agite une fourche ardente. Autour de lui sautent follement les vagues souillées d’écume et de sang. »

« Que fallait-il de plus pour répandre l’émoi et attirer la gent curieuse et vorace des oiseaux ? De tous les horizons, ils viennent et s’assemblent. Sur la mer, leurs ombres petites et grandes passent, tournent, s’entrecroisent, et du sommet des airs tombent leurs mille cris discordants. »

« La plupart, ailes planantes, circulent au-dessus du spectacle. D’autres, nombreux aussi, posés sur les vagues, leur font des crêtes hérissées de têtes blanches et noires. Cependant, le cou tendu en flèche entre deux ailes arquées, des oiseaux de proie s’élancent sur le reptile mourant, et du bec et des griffes déchirent sa peau verdâtre. »

« Mais ceci n’est que la circonstance et non ce que je veux raconter. »

« Déroulés sur les vagues, les anneaux du serpent, mort enfin, ondoyaient, et, avec eux, les vautours acharnés à cette proie facile. En même temps volaient au-dessus de ma pirogue plusieurs oiseaux d’espèces différentes, beaucoup plus gros que leurs semblables et que je me plaisais à admirer. »