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tent enfin le canot en peau de loup-marin, l’arc et la flèche en os de baleine, la ligne de boyau avec, pour hameçon, une écaille de siquenoc[1]. Et les voilà, contents de leur sort, qui chantent avec les oiseaux, leur bonheur, au Maître de l’univers.

Hélas ! ce bonheur naît en partie d’une illusion : ils se pensent immortels. Si gais sont les matins et si beaux les soirs, les nuits réparent si bien leurs forces, le printemps a si bien l’air de restaurer complètement la vie, qu’ils se laissent tromper. À leurs yeux inexpérimentés, Matcomeck, le dieu de l’hiver, grisonne aimablement leurs cheveux ; les lunes, sans allusion à la vieillesse, s’encadrent fidèlement dans les saisons afin de mieux marquer les étapes de l’année.

Ô nuage des apparences suspendu devant la réalité ! Ô temps qui dis : confiance, et tiens d’une main cachée l’arme fatale, ta tunique d’imposture a des bâillements sinistres par lesquels ton glaive finit par être vu ; alors s’envole, comme les hirondelles devant la bise, la famille d’illusions chanteuses qu’avait fait naître le printemps.

***

Ils ont vieilli les six premiers hommes ; avec persistance, leurs membres moins dispos, leur vue affaiblie, la mort des autres animaux, les avertis-

  1. Limule Polyphème.