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en mocassins

Et vous, débris, jadis repaires formidables,
Tour à tour, le printemps de fleurs vous embellit,
L’automne de carmin habille vos érables
Et prélude à l’hiver qui vous ensevelit.

Vos impassibles rocs, hérissés de fougères,
Dégagent leurs profils de monstres accroupis.
L’araignée y suspend ses tentures légères,
Fines gazes d’argent sur leurs flancs décrépits.

Ici, baille sous bois la farouche ouverture
D’une grotte qui fut un séjour des esprits.
Là chuchote le vent dans l’épaisse ramure
De pins que nos aïeux peuplaient de mistigris.

Oui, tout a refleuri sur tes grandes ruines,
Ô montagne qui vis périr tant d’Algonquins.
Les mânes de ces morts errent sur tes collines
Où dansèrent longtemps les Poukouaginins.

Près d’eux, l’esprit du soir aux larmes de rosée,
S’assoit sur tes granits qu’ont baisés tant d’éclairs,
Les pieds parmi les fleurs dont l’herbe est irisée ;
Pour eux le passereau babille dans les airs.

Dès qu’avril le ramène à tes cimes plaintives,
Sur leurs tombes posant la gaîté de son nid,
Il charme par sa voix leurs ombres fugitives
Et plus pâles que l’astre argenté de la nuit.