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UN ANCIEN NID DU TONNERRE

C’était vers le déclin d’une époque ancestrale,
L’Ottawa s’appelait le Mahamoucébé ;
Vierge était la forêt, loin le Visage-pâle :
Nul arbre, sous ses coups, n’avait encor tombé.

Les contes de ce temps roulent sur des merveilles :
Oka voyait alors les cimes du mont Bleu
S’élancer dans les airs, à des donjons pareilles,
Se couronner d’orage et se grimer de feu.

Car le mont qu’ombrageaient la nue et le mystère,
Dressait à pic son front par la foudre râpé,
Et sa crête portait l’affreux nid du tonnerre
Au-dessus des sapins dont il était drapé.

De noirs oiseaux mêlés à de sombres nuages.
Tourbillonnaient autour du bloc pyramidal.
Et l’éclair en zigzags, jet de leurs yeux sauvages,
S’émoussait au granit de l’âpre piédestal.

Il sortait, aveuglant, de leurs glauques prunelles,
Volait en lézardant les voûtes de la nuit ;
Et le mont résonnait sous le fléau des ailes,
Et les forêts, au loin, répercutaient le bruit.

Le vol passait, grondant, au-dessus du village.
Et malheur au mortel dont l’œil voyait l’oiseau ;
Enserré sous un ventre au fulgurant plumage,
Il montait vers la cime où s’ouvrait son tombeau.