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le windigo



Lorsque sur un sommet je m’installe et pétune,
Ma narine fumante en remontre aux volcans.
Lorsque de ses baisers le soleil m’importune
Et que la sueur luit sur mon échine brune,
Je lance en l’air la boue et je noircis le temps.

Un soir, escaladant une cime rocheuse,
Dans le bleu-noir du ciel, si haut je m’enfonçai,
Que, me voyant couper sa route nébuleuse,
La lune me pria d’une voix doucereuse
De la laisser passer.

De voir souffrir m’amuse, ayant un cœur de pierre ;
Je dis à la frayeur, aux transes, au frisson :
Allez, et du wigwam je souffle la lumière,
Subitement j’éteins le feu sous la chaudière,
Sur le dos du plaisir je passe le glaçon.

Je lance des cailloux plus gros qu’une cabane
Au monstre assez hardi pour me barrer chemin ;
D’un coup de mon bâton j’abats l’aigle qui plane ;
Et, pour attraper l’ours courant dans la savane,
Je fauche avec la main.

Je devine, aux senteurs que la brise m’apporte,
Si je dois chasser l’homme ou l’élan qui bondit.
J’ai pour guide la Faim ; le dieu Trépas m’escorte ;
Et, dans le sac affreux que sur mon dos je porte,
Des mânes prisonniers me traitent de maudit.