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les algonquins

par de mauvais génies, des géants et des anthropophages ; tantôt celle d’un enfant abandonné dont les loups ont pitié, et qui finit par prendre la forme et les mœurs de ses fauves protecteurs.

Tous ces récits témoignent d’une mentalité analogue à celle qui inventa nos anciens contes de Petit Jean, de géants et de fées. On y remarque trop peu de raisonnement : c’est le cachet du sauvage qui voit du mystère partout et aime le merveilleux. Il l’aime au point de tirer presque toutes ses machines poétiques de l’intervention des esprits et même des mânes, de la magie, de l’enchantement, des forces occultes de la nature. Ses contes sont des répertoires d’arbres vivants ; d’animaux qui parlent ; d’hommes changés en bêtes, en étoiles, en manitou et vice versa ; de talismans ; de flèches et de mocassins enchantés. Les gébies[1] exsangues y sortent de leurs tombeaux pour se montrer aux vivants, et des êtres célestes s’y rendent visibles afin de tenter les mortels.

En somme, l’Algonquin préfère à la force brutale, le pouvoir invisible des esprits. C’est par une vertu mystérieuse que ses héros opèrent presque tous leurs exploits. Aussi bien rit-il de bon cœur, comme les enfants du poète,

  1. Nom que les Sauteux donne aux mânes qui se rendent visibles.