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SERGENT !

» Quand les nouvelles recrues arrivent, tu comprends combien on a de peine à les acclimater, à les instruire militairement, à les former ; mais ensuite, quels soldats propres, soigneux-et braves, ne bronchant jamais au feu !

» S’ils sont plusieurs ensemble, ils chantent l’air bizarre du pauvre Yvon, ce chant a quelque chose d’étrange, de sauvage qui nous reporte à des temps inconnus.

» Généralement, ils n’entendent pas un mot de français, nous sommes obligés d’employer certains moyens spéciaux pour leur faire exécuter les mouvements disciplinaires ; par exemple, pour leur apprendre à marcher au pas, on attache sur le pied gauche un morceau de pain, sur l’autre un peu de viande et l’on commande :

» Kick ! barra ! Kick ! barra !

» Pain ! viande !

» Et ils marchent comme un seul homme.

» Ne te fie pas, mon Pierre, à l’orthographe que je te donne de ces deux mots ; je n’ai aucune notion de la grammaire brezounecque et je t’écris cela comme on le prononce.

» Lorsque ces braves Bretons commencent à parler notre langue, ils amusent leurs camarades ; car ils mettent tout au masculin, n’ayant point dans la leur de genres différents. Je te parle de cela parce que dans ta dernière lettre tu m’as dit que tu t’occupais à lire la grammaire.

» Pour eux, les verbes n’ont qu’une même terminaison et on en distingue la personne par le pronom qui l’accompagne.