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SERGENT !

nos campagnes, le plus brave, à ma place, aurait tremblé.

Tomber au sort, c’est une désolation chez les bons villageois ; mais, tirer de l’urne le plus fatal des numéros… ce numéro, menace terrible et permanente qui plane sur la vie comme un oiseau de proie prêt sans cesse à vous dévorer ; nouvelle épée de Damoclès toujours sur le point de trancher le fil préservateur ; ce numéro gonflé de tous les germes de malédiction ; c’était affreux !

À la nouvelle que j’avais pris le numéro treize, les bonnes vieilles de chez nous frémissaient jusqu’à la moelle des os. et ma mère… ma pauvre mère… elle en était affolée !

Qu’avait-elle à se reprocher cependant si pareil malheur m’arrivait ? Aucun des moyens qu’un esprit crédule et naïf peut mettre en œuvre pour attirer un numéro favorable ne furent négligés :

Herbes cueillies avant le chant du coq.

Eau miraculeuse puisée à la fontaine du Nain.

Talismans.

Paroles mystérieuses prononcées au crépuscule en se tournant vers l’Orient.

Hélas ! rien ne m’avait sauvé !

En conséquence, j’étais parti, triste, malheureux, pour rejoindre mon Corps, laissant mon père et ma mère dans un chagrin sans nom.

La voisine Mathurine cherchait à les consoler ; elle prétendait que les charmes n’avaient pas opéré parce qu’ils avaient été rompus par quel-