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SERGENT !

connus, je ne pus fermer l’œil de la nuit ; au point du jour, entendant ronfler mes voisins, bêtes et gens, je descendis avec précaution, je tirai le loquet de la porte et je m’enfuis à la hâte pour demander aux camarades des vivres ; et à l’espace, de l’air.

Le clairon sonna. Accablé de fatigue, je fus obligé de me remettre en marche ; heureusement chaque étape nous rapprochait de Lorient ; il me fallait au moins la civilisation d’une ville pour me faire oublier les horreurs de la vie sauvage que je venais d’entrevoir.

Comme nous passions par le village de Locolven, au pas, l’arme au bras, les sous-officiers en serre-file, selon la coutume, le gros petit sergent Verrachon était devant moi allant avec sa gravité et sa suffisance habituelles.

Tout à coup, les cris éclatants d’une femme irritée se font entendre ; un porc énorme s’échappe d’une porte entr’ouverte ; la ménagère, armée d’un balai, le poursuit ; l’animal épouvanté, précipite sa course, voit son chemin barré par nos hommes, fait un crochet, pique droit sur Verrachon, trouve une issue entre ses jambes, s’y jette éperdu… Imprudent calcul ! la longueur des jambes du sergent est en raison inverse de la grosseur du fugitif ; — conséquence logique — le premier est emporté à reculons par l’autre qui continue sa course furibonde. En vain le sergent, nouvel Antée, cherche à toucher la terre, ses pieds n’y peuvent atteindre, le fusil ballottant sur l’épaule, cramponné de la