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SERGENT !

eût été certainement en meilleur état que moi. Quelle figure ! quelle tournure ! et quelle tenue pour un soldat français.

Mes cheveux imprégnés d’une eau saumâtre se collaient sur mon front, laissant filtrer une multitude de petits ruisseaux qui m’aveuglaient et me suffoquaient ; car mon schako, au lieu de me préserver dans le danger, avait sauté au premier choc ; mon sac ne m’avait pas quitté, lui, au moins, il était là, solide au poste ; mais dans quel état, pauvre Azor !

Mon fusil heureusement était sain et sauf, ma capote, le reste… non ! j’aurais honte d’en faire la description !

Néanmoins, on frotta tant et si bien, on rit de si bon cœur que je finis par rire avec tout le monde et par me mettre en marche comme si de rien n’était.

Peu de jours après, nous arrivions au Havre. Ceux qui n’ont jamais vu la mer ont peine à se figurer ces immenses masses d’eau dont l’œil ne peut apercevoir la fin. On se sent abîmé, écrasé devant cette puissance majestueuse ; des exclamations seules montent aux lèvres et l’esprit se perd dans une profonde rêverie.

Pour moi, j’étais charmé d’habiter un port de mer ; car, à Perpignan, nous en étions assez loin. Pouvoir aller à tout instant sur la jetée, se promener le long des quais, contempler ces beaux navires aux voiles repliées, semblables à des oiseaux reposant leurs ailes, quel plaisir ! quel charme ! Et les bateaux des pécheurs allant et