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mais c’était assez ! Je poussai ce cri : Camarades ! en avant !

D’un bond, nous fûmes hors de leur portée, réunis et reprenant, encore émus, le chemin de la caserne.

La patrouille trouva les dragons en train d’ébrécher leurs sabres sur les murs et sur les bornes de la rue ; on les emmena et ils furent punis comme ils le méritaient.

Une bonne nuit était bien nécessaire pour réparer nos forces ; malheureusement l’ordre fut donné de partir à trois heures du matin, nous changions notre résidence pour le Havre.

Je pouvais à peine me tenir debout en me levant ; il me fallait faire des efforts inouïs pour marcher avec les hommes ; courbaturé, endolori, je sentais par moments mes genoux fléchir et ma tête retomber inerte sur mon épaule.

Une grande route bordée d’arbres et de larges fossés remplis d’eau se déroulait devant nous à perte de vue, le terrain était glissant, il avait beaucoup plu la veille. Je me demandais si j’arriverais jamais. Tout à coup, mon pied heurte contre une pierre, je perds l’équilibre et je disparais dans un fossé.

Un rire formidable et inextinguible me parvint à travers l’onde bourbeuse et en même temps que les mains de mon fourrier.

— Hé ! major… disait-il, on voit bien que vous n’avez pas de bourgeois à défendre pour faire des saluts pareils.

Un canard ayant barboté pendant des heures