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LE CONGÉ

Un grand feu flambait dans l’âtre, mon père, ma mère et le parrain étaient assis autour. Ils causaient.

— Hélas ! disait ma mère en secouant la tête, nous nous faisons vieux, mon pauvre père Lascience, qui sait si je le reverrai ?

— Ne vous désolez pas d’avance, Marie-Jeanne, il y en a au pays, de plus vieux que nous ayant, ma foi, bon pied, bon œil, tenez ! le père chose…

— Ah ! oui, des Robinots, je ne dis pas non ; mais l’ennui n’est pas bon pour la santé. Si vous saviez combien le temps me dure de ne pas voir mon pauvre cher enfant !

— Je vous comprends, et c’est naturel ; cependant, à votre place, je me réjouirais : c’est un bon sujet, il s’instruit, et il fera son chemin, pas vrai ?

— Sans doute… que voulez-vous ? j’ai beau faire ! il ne me sort pas de l’idée ! Pourvu qu’il ne soit pas malade…

— Malade ! un gaillard bâti comme lui ! je vous parie, moi, qu’il se porte comme un charme. Es-tu avec moi, père Daniel !

Comme le parrain tendait sa main à mon père, je frappai légèrement aux carreaux.

— Quelqu’un, Daniel, regarde, mon homme.

Mon père se leva et alla vers la fenêtre.

— C’est, à coup sûr, la Toinon qui vient parler à son petit gars. Mais non ! il n’y a personne !

— C’est drôle ! fit ma mère. Elle vint et ouvrit la porte toute grande.