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LE SERGENT DANIEL

— Et moi-même, j’ai cultivé nos terres, j’ai conduit le bétail aux champs en compagnie du cousin Pierrot, un peu plus âgé que moi. Lorsque j’étais gamin, j’ignorais l’organisation d’une école ; je n’en fréquentais ni hiver, ni été, par la raison qu’il n’en existait pas dans la commune. C’est pourquoi j’ai appris à lire en entrant au régiment.

— Je tombe des nues ! Vrai ! j’en suis saisi ! Pourtant le rebouteux de mon pays…

— Ce n’est pas un oracle !

— C’est le petit-cousin de la tante de ma belle-sœur.

— Fourrier, vous êtes superbe ! Mais, sérieusement, je regrette que votre cousin n’ait pas l’intelligence et le bon sens du père Lascience, mon parrain ; au lieu de vous mettre de semblables billevesées dans la cervelle, il vous aurait enseigné le vrai des choses ; j’ai ses leçons présentes à la mémoire et les trois mots cabalistiques qui, selon lui, portent bonheur :

Travail — honnêtelé — volonté.

Pour les moments difficiles, les luttes de la vie, il m’a donné un stimulant énergique, ce refrain :

Tant qu’il reste un brin d’espérance
Il faut toujours dire : En avant !

Il s’est chargé de mon éducation morale, mon vieux parrain, le sorcier du village.

— Sorcier ?… Sergent ?