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SERGENT !

pêcheurs ; pendant qu’ils tentaient au loin la fortune en jetant leurs filets, les Anglais, souhaitant s’emparer de cette île, voulurent profiter de l’absence des hommes pour mettre leur projet à exécution.

» Ils avaient compté sans le courage des femmes. Elles se revêtent d’habits rouges et bleus que l’ennemi peut apercevoir, et les voilà, allant et venant ; marchant, de manière à faire croire à des manœuvres militaires.

» Les Anglais, persuadés que cela avait lieu, en effet et croyant ces troupes envoyées pour défendre l’île, se retirèrent sans tenter l’abordage.

» N’as-tu pas remarqué comme moi, mon cher Pierrot, combien la nature humaine a d’étranges contradictions ? Considère plutôt le paysan breton, si hospitalier ; il professe un mépris profond pour les gens exerçant certains métiers, par exemple, ceux d’équarrisseur et de cordier. Ils sont désignés sous le nom de caqueux, on les regarde comme des impurs ; ce sont les parias de la Bre­tagne. De toutes les façons et par tous les moyens, on leur témoigne le dédain que l’on ressent pour eux ; et on les traite avec une dureté, partage ordinaire des êtres dégradés.

» On prétend que ces caqueux descendent des Alains vaincus autrefois par les Bretons.

» Ainsi, mon ami, les bons et les mauvais sentiments se transmettent de génération en génération ; c’est pour cela que je crois chacun de nous obligé de se perfectionner, parce que c’est travailler pour l’humanité future.