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LE CHARME

— Non ! c’est moi toute seule qui… seulement si tu n’allais pas vouloir faire ce qu’il faut…

— Dame ! ça dépend !

— Malheureux ? Pense donc ! Partir pour la milice, se faire estropier, bonnes gens ! Se faire tuer… pendant sept ans ! Oh ! ça me fait frémir ! Partir pour la milice !

— Voyons, mère, ne vous désolez pas ! Vous me faites trop de peine. Je ne veux pas que vous ayez du chagrin, vous le savez bien | Je ferai ce que vous voudrez.

— Tout de suite ?

— Si ça se peut.

— Ah ! Mon bon garçon, je te reconnais bien là ! Quel bonheur ! Non ! tu ne partiras pas, aussi vrai que je tiens… elle chercha dans sa poche, — mon couteau.

Je pâlis. Je crus que le tourment troublait l’esprit de ma pauvre mère et qu’elle allait m’ordonner quelque sacrifice sanglant : la phalange d’un doigt, l’extraction d’une dent peut-être, ainsi qu’on l’avait vu faire à plusieurs pour échapper au sort qui les arrachait du sol natal.

— Mère, m’écriai-je tout ému, non ! je ne le ferai pas |

— Hélas ! Il dit non à présent ! Il ne veut plus… J’en mourrai !

— Soyez donc raisonnable !

C’est toi qui ne l’es pas ! Ce serait si vite fait pourtant…… Dire que je ne trouverai pas…

Elle fouillait avec impatience sa poche où tant de choses se mêlaient.