Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
LE NUMÉRO TREIZE

s’en détacher… Pauvres corbeaux ! quelle singulière coiffure !

Rien n’est plus facile, maintenant, que de s’en accaparer. Pierrot me regarde.

— Allons ! dit-il.

— Non ! laissons-les s’envoler, ce sera plus drôle, crient les enfants. Ils sont mieux dans les bois que chez nous. Se démènent-ils ! Frappons dans nos mains.

À ce bruit, les corbeaux, la tête enfoncée dans leur capuchon de papier, prennent leur vol, finissent, malgré leur cécité momentanée, par trouver un arbre ; et là, s’escriment du bec et de la patte pour se débarrasser de l’engin qui les livre sans défense au chasseur.

— Comprends-tu, me disait, en riant, Pierrot, que les beaux messieurs dépensent tant d’argent pour rire du bout des lèvres et pour amuser leurs enfants ? Nous autres, nous avons bien des agréments, et ils ne coûtent rien. Il est vrai que nous ne sommes pas difficiles à égayer ! Va ! je me trouve heureux, tout paysan que je suis !

Ces paroles me firent penser à ma vie paisible, toute de travail ; mais d’un travail donnant des forces au lieu de les épuiser ; je remarquai que je n’avais pas de soucis plus grands que n’en avaient ceux dont j’étais entouré ; c’était de songer à l’oncle, le notaire qui me rendait malheureux. Je résolus de ne plus attacher mes regards sur le vieux bahut, puisque cette vue me donnait des idées irréalisables et en dehors de ma condition.