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TOUT DROIT

Je m’arrachais de force à mes méditations pour aller au travail. Un jour que j’étais assis au coin du feu, en face du bahut-étude de mon grand-oncle, plus préoccupé que de coutume, Pierrot entra.

— Viens-tu à la chasse ?

— À la chasse ?

— Oui. Pas aux perdrix, mon ami ; aux corbeaux. J’ai préparé des cornets, nous allons joliment amuser mes petits neveux qui nous attendent ; tiens, regarde les provisions.

Il souleva un des couvercles de son panier et en tira les cornets. Au fond de chacun était un morceau de viande, et tout autour, à l’intérieur, de la glu.

— Partons ! nous irons les planter dans la neige, un peu au-dessus de la pièce au gros Colas, et nous allons rire.

Je le suivis.

Quand les cornets furent placés, nous nous tînmes immobiles contre un arbre, à quelque distance. Les corbeaux, perchés très haut, eurent bientôt aperçu une proie. Comme la disette était grande, ils prirent rapidement leur vol, se dirigeant vers les pièges que nous avions dressés. Cependant, une mesure de prudence les retint un instant dans l’espace, il fallait s’assurer que nul ennemi ne paraissait à l’horizon.

Tranquillisés par le silence absolu qui règne, ils se précipitent d’un trait sur les perfides cornets.

Ô stupéfaction ! les becs avides ne peuvent plus