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LE NUMÉRO TREIZE

faut compter, — c’est sur soi, — j’entends sur sa volonté.

Tu regardes d’un air piteux les avaries subies par tes vêtements et par ta personne, tu te dis avoir bien payé le contentement que tu éprouves à te reposer, sache, mon enfant, qu’en ce monde on n’a rien pour rien. Tout bien, tout bonheur, toute satisfaction s’achète. Dès qu’on en a la conviction, on ne s’étonne pas du prix-à payer et on n’en conduit que mieux sa barque ; l’expérience vous est profitable, on s’en sert comme d’un bâton avec lequel on sonde le terrain avant d’y mettre le pied.

À un garçon avisé, comme tu l’es, je n’ai pas besoin d’en dire plus long pour être compris.

Avec ces trois mots :

Travail — honnêteté — volonté,

Tu as pour gage de bonheur le meilleur talisman qu’un pauvre diable de sorcier, comme moi, puisse te donner.

Maintenant, va porter tes habits à ta mère, et n’aie pas crainte de lui dire que c’est ma faute !

Ce fameux voyage et les paroles du parrain me revinrent plus tard à l’esprit en bien des occasions ; je leur dus, en face des chagrins et des déceptions dont nul n’est exempt, plus d’une résolution énergique ; mais plusieurs années devaient encore s’écouler avant que j’entrasse dans cette arène qu’on appelle le monde, où l’homme doit lutter, sans trêve, jusqu’à la fin de sa carrière.

Je n’avais, pauvre paysan, d’autres enseigne-