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TOUT DROIT

— C’est bien ! mais n’y a-t-il pas quelqu’un qui va nous en vouloir ? Il est temps d’y penser à présent ! Ta mère…

— Elle a des pièces.

— Bon ! Et ta blouse, malheureux ! Il n’y reste qu’une manche… heureusement que ta mère est une excellente femme…

— Et qu’elle a des pièces.

— Et qu’elle a des pièces. Pour lors, tout est au mieux. Tu penses bien, mon enfant, que je ne t’ai pas fait faire ce voyage à seule fin de mettre tes habits en loques. C’est de la morale à ma façon. Tu t’en souviendras ; car, vois-tu, les paroles s’effacent plutôt de la mémoire que les actions.

Je veux bien qu’elle soit un peu dure, ma morale, et que le fils de monsieur le comte ne soit pas à même de recevoir des leçons pareilles ; mais, nous autres, paysans, nous ne pouvons pas élever nos enfants comme des princes.

On ne sait pas d’avance ce que l’avenir nous réserve ; tu es ici aujourd’hui, petit ; demain, tu seras peut-être loin de nous… Je vais te donner pour guide dans la vie un conseil que tu auras présent à l’esprit en toute circonstance.

Tu es jeune ; un long chemin est devant toi ; comme nous venons de le faire, marche toujours tout droit, ainsi qu’un honnête homme le doit. Si une bouchure, des difficultés, barrent ta route, ne geins pas, ça ne sert de rien ; prends ton courage à deux mains, saute par-dessus bravement, sans aller quérir ton voisin pour te plaindre. Dans la peine, ce n’est pas sur les autres qu’il