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LE NUMÉRO TREIZE

organisait sa maison comme quand on ne doit jamais quitter le clocher de son village.

Le parrain l’approuvait.

Pierrot a raison, disait-il, sa vie est toute tracée à lui, il est probable que rien n’en modifiera le plan ; il vivra tranquillement sans avoir besoin de se défendre, de lutter, sans trouver d’obstacles sur son chemim ; car un jour ressemble à l’autre ici. Il est ce qu’il faut pour ça, et même un peu plus finot que beaucoup d’autres.

Quant à mon petit Daniel, qui sait ce que avenir lui réserve ? S’il allait croire qu’ailleurs les alouettes tombent toutes rôties… pauvre enfant ! il en aurait des déceptions !

C’est qu’on en a du fil à retordre, comme dit l’autre. Voyons ! une idée… il est possible qu’il tombe à la milice… il faudrait trouver une manière de lui apprendre l’existence, de le préparer à ce qui l’attend : à la peine et aux difficultés, de façon à ce qu’il sût toujours ce qu’on doit faire et à seule fin de ne se décourager jamais. Hein ! ce serait peut-être un peu rude ! Bah ! les enfants ! tout les amuse, surtout ce qui est, comme qui dirait — un peu fou !

Ayant murmuré ceci entre ses dents, le parrain me dit vivement :

— Garçon ! tu as quinze ans, c’est bon ! mais il s’agit de savoir si tu as du cœur.

— Dame ! faudrait voir.

— Je parie que tu ne me suivras pas partout où j’irai !

— Je parie que si !