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LA LANGUE DE LA TOINON

— Faites excuse, Mathurine, voici l’heure qui avance, je n’ai que le temps de lui porter mon cadeau.

— Ah ! non ! je ne m’attendais pas à celle-là ! Non ! Mais, il t’a donc fait avaler un philtre ton meneur de loups, que tu es si pressée d’aller le voir.

— Lui ? Vous riez ! Seulement…

— Ah ! je l’aurais gagé ! il y a encore quelque manigance là-dessous… je m’en doutais ! La Toinon bichonnée comme une jeunesse ; sa petite, luisante comme un sou neuf… ça n’est pas naturel ! Tenez, Toinon, le voilà votre père Lascience !… Eh ! père Lascience ! voilà Toinon qui va chez vous, elle a quelque chose pour vous dans son panier… c’est du mouton que son homme a fait tuer dernièrement… pour vous remercier de lui avoir porté bonheur, qu’elle dit.

— Je ne suis pas sourd, Mathurine, ne criez pas si fort !

— Dame ! elle dit que vous lui avez porté bonheur.

— Oui, je le dis ; et, je le dis, parce que c’est vrai ; et si ce n’était pas vrai, je ne le dirais pas.

— Tant mieux ! j’en suis content ! alors tout va bien chez vous pour le moment ?

— Comme vous dites.

— Cela durera si vous le voulez, Toinon, ça dépend tout à fait de vous, vous le savez. On récolte ce qu’on a semé. Qui sème le vent récolte la tempête, je ne vous l’apprends pas ?

— Entrez donc un instant chez nous, dit Ma-