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LE NUMÉRO TREIZE

tirer un bon pichet de cidre, en essuyant ses yeux du révers de la main.

Un beau jour, on la vit passer vers les dix heures avec un bonnet rond bien plissé, une jupe rayée toute fraîche et un casaquin à l’avenant. Son large tablier rouge tournait avec grâce sur les hanches et son fichu à bouquets formait artistement un bec par en haut.

Elle tenait par la main sa fille Suzette, aussi propre qu’un linge passé à la lessive. Au bras, elle avait un panier recouvert d’une serviette éblouissante de blancheur.

— Miséricorde ! Toinon, s’écria Mathurine, en la rencontrant, que tu es belle ! Est-ce que, par hasard, ce serait ta petite, ça ?

— Oui-dà ! c’est ma petite dernière. Comment vous ne reconnaissez pas Suzette ?

— Est-il possible ! Mais, c’est qu’elle est gente comme un cœur ! Eh ! eh ! petiote ! nous en avons de bonnes joues rougeaudes et de beaux petits yeux. Tu as bien fait, Toinon, de la débarbouiller, sans reproche, tu comprends ? Dis-moi, sans curiosité, où vas-tu comme ça ?

— Chez le père Lascience.

— Hélas ! pour quoi faire ? Est-ce que ta vache est retombée malade ?

— Non. Mon homme a fait tuer un mouton, je vais lui en porter un morceau, en manière de remerciement, vu que il m’a porté bonheur.

— Il t’a porté bonheur ?

— Vrai comme je vous le dis.

— Et comment ça, ma chérie ?