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LA LANGUE DE LA TOINON

superstitions, redoute la solitude, se relève, traverse la cour et va regarder dans la plaine si quelqu’un ne s’y trouve pas pour l’assister ; car les voisins étaient absents.

Elle aperçoit les deux complices, assis sur un tronc d’arbre, goûtant paisiblement avec du pan et du lard.

Elle leur fait signe :

— Venez ! venez !

Ils remettent leurs provisions dans le sac de toile.

— Ah | mon bon père Lascience, crie de toutes ses forces la Toinon, que je suis contente de vous voir ! Vous allez venir à mon secours ! Figurez-vous que ma cheminée ne veut plus laisser passer la fumée ; on dirait que… quelqu’un me met à la porte de ma maison.

— Eh bien ! vous irez chez la Mathurine ou chez la Rosalie !

— Par exemple ! vous m’en dites de belles ! Chez Mathurine ! elle est bien trop j’ordonne ! Chez la Rosalie : il ne faudrait pas m’y frotter…

— Ah !

— Oui. Par rapport que j’ai un peu causé. histoire de passer le temps, vous-entendez ?

— Suffit ! je vais vous dire une chose, Toinon. Vous n’êtes pas toujours raisonnable, vous avez la langue plus longue qu’il ne convient pour une honnête femme.

— Oh ! ça, père Lascience, je ne dis pas non… mon homme n’est pas sans me faire de reproches : Toinon par-ci, Toinon par-là…