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LE FRELUQUET

Quand je rapportai de la lumière, on riait aux éclats, excepté Pierrot, pourtant.

— La chose est facile à comprendre, les amis, disait le père Lascience, voilà un chien qui meurt de faim et nous mangeons à son nez et à sa barbe sans lui faire une politesse. Il se dit : Je voudrais pourtant bien souper, moi, qui travaille autant que pas un ! Voyant manger Pierrot, il pense : « Que ce doit être bon ! » Pour se rapprocher de ce qui est bon, il monte sur une chaise. — Pierrot porte un morceau à sa bouche, César en pousse un soupir si gros que… la chandelle s’éteint. Il profite de l’occasion pour attraper le morceau. Et voilà ! Ah ! on a beau dire ! il y a tout de même du raisonnement chez les bêtes.

Pierre ne pouvait sortir de sa stupéfaction.

— Si Mathurine était là, elle hocherait la tête : « Ça n’est pas naturel ! il y a quelque chose là-dessous… ce père Lascience l’a ensorcelé… » N’est-ce pas, Marie-Jeanne ?

— Oh ! assurément.

— Et voilà comment se font les réputations.

Mais, ce n’est pas de cela qu’il s’agit :

À la vôtre !

Tous les verres se choquèrent.

Ah ! voici ceux des environs qui vont à la messe de minuit. Regardez ! Les torches de paille allumées qu’ils portent à la main font un effet bizarre dans les champs… Ils doivent être gelés… À leur aise ! Pour nous, rions et causons en nous chauffant comme de braves gens qui