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LE NUMÉRO TREIZE

— À votre santé, père Lascience !

— À vous pareillement, Marie-Jeanne !

— Hélas ! dit le parrain en haussant légèrement l’épaule, ce que c’est que l’homme, il ne songe qu’à lui ! Nous sommes là à nous goberger et nous ne pensons pas que César n’a mangé que des yeux. Aujourd’hui, fête pour tout le monde ! Je veux que César soit content : Prends une chandelle, petiot, et va dans la pièce à côté lui faire une bonne soupe.

Je pris le plat qu’il me tendait, un gros morceau de pain et j’appelai César qui s’obstina à rester près de Pierrot.

Pierrot, en effet, devait exciter l’envie d’un affamé. Heureux Pierrot ! il était là en face d’un superbe morceau de boudin qu’il mangeait avec un plaisir infini ; il ne voyait rien, n’entendait rien — il mangeait. — L’unique chandelle restée sur la table était tout près de lui ; elle faisait en vacillant des clignotements engageants sur son assiette. Pierrot piquait, portait à sa bouche, buvait un coup et recommençait.

Le pauvre César le considérait tont attendri. Du fond de la pièce où j’étais, je le vis monter sur ma chaise à côté de Pierrot.

Soudain un cri retentit. Plus de lumière !

— C’est lui ! criait Pierrot, il a soufflé la chandelle !

— Et qui ? demanda le père Lascience.

— Le chien !

— César !

— Oui, oui, pour me manger mon boudin.