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LE NUMÉRO TREIZE

Quand la citrouille fut à peu près vide, il la prit dans ses deux mains et l’éleva à la hauteur de ses yeux en renversant la tête en arrière.

Bon ! ce sera superbe ! | mon foin se rapportera tout seul, c’est sûr ! À présent, la bouche. Il fit une large entaille, réservant le menton, puis une autre, pour figurer le nez.

— Très bien ! Tiens, mon couteau n’est pas assez pointu pour faire les yeux, donne-moi le tien.

— Voilà, parrain.

— Tout ronds… là ! c’est ça ! Oh ! pour être beau, s’écria-t-il en regardant son œuvre à distance, je ne dis pas ; mais, pour faire de l’effet, ça en fera… de loin.

— Dites donc, parrain, on croirait une tête de mort.

— Positivement. Mets-la sur la huche pour voir. Voilà pourtant mon garde-champêtre, mon gendarme, mon rapporteur de foin, la voix qui va crier à Thomas : « Voleur ! voleur | » Quel stimulant pour les faibles ou les coupables que le peur ! Je n’ai pas d’autre moyen de retrouver mon foin, sans ça… Le raisonnement n’y peut rien ! ça ne croit pas aux choses de bon sens, ça ne croit qu’aux maléfices. — Eh bien ! il en aura pour son argent, mon Thomas.

On buque à la porte, petit, ne bouge pas : c’est Mathurine… elle est si curieuse ! Elle n’a qu’une chose pour elle cette femme-là, ses chansons.

— Parrain, je la vois par la fente de la porte…