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LA VEILLÉE

grand, est-ce qu’on va à l’école ? On travaille aux champs. Si ton père prenait du monde pour cultiver son bien, ça lui coûterait les yeux de la tête. À la première floraison, tu auras huit ans ; tu pourras déjà commencer à lui aider, Quand tu ne ferais que garder le bétail !

D’un coup d’œil, je revis la nature fraîche et parfumée du printemps, cette douce et charmante image tempéra mon chagrin ; puis, la pensée de m’occuper comme un homme me rendait tout fier.

Immédiatement, je me fabriquai un fouet et je préparai une gaule pour diriger les bêtes ; comme j’étais tout absorbé par mon travail, et que mon imagination me transportait dans la plaine, la vieille Mathurine poussa un long bâillement.

— Voisin, ce n’est pas que je m’ennuie avec vous, mais le couvre-feu est sonné. Qu’est-ce qui revient avec moi ?

— Attendez que j’allume mon falot.

— Vrai ! il fait noir comme dans un four ; dépêchons-nous !

— Bonsoir, Daniel ! bonne nuit, Marie-Jeanne ! Chacun un bonsoir, les voisins

— Il ne fera pas bon dehors cette nuit, les amis !

La petite troupe, suivant le falot, s’en alla en devisant ; elle s’égrenait à mesure que les veilleurs passaient devant leur maison.

Souvent, mon parrain restait un peu plus tard que les autres pour causer avec mon père. Ils s’entendaient bien tous deux, quoique le père