qu’un pauvre paysan vous parlez comme un livre, on sait bien que ce n’est pas naturel… Oui, je raconte des histoires de lutins, de fées et de follets, mais — je ne les fréquente pas, moi, dit-elle avec éclat.
— Mathurine ! fit ma mère suppliante, ne parlez pas comme ça ! Pourquoi se contrarier entre braves gens ? Vous devriez bien plutôt nous chanter une de vos belles chansons, ma bonne Mathurine, sans vous commander.
— Pour ça, je veux bien, répondit-elle en se calmant. Qu’est-ce que vous voulez que je vous chante ?
— Ce qui vous plaira.
— Eh bien ! la Chanson du Rouet, puisque nous voilà quasiment toutes, la quenouille en main. Les jeunesses reprendront au refrain, à seule fin de me faire compagnie.
Elle équilibra ses besicles sur son nez, replaça sa quenouille dans sa ceinture et, tout en filant, d’une voix chevrottante, elle entonna sa chanson :
Quand je dus entrer en ménage,
Ma mère un rouet me donna,
Disant ? bonheur, c’est un gage,
S’il chan ? vent, ma Nina. »
Vite, j?ai la mesure,
Et l’entendis qui fredonnait ;
Sa roue était, je vous assure,
Comme un grand soleil qui tournait
Et de ma quenouille soyeuse
Naïssait le fl mince et propret :
Chante avec la vieille fileuse,
Chante en travaillant, mon rouet !