Page:Guinault - Le numéro treize (1880).pdf/22

Le texte de cette page n’a pas pu être entièrement corrigé, à cause d’un problème décrit en page de discussion.
22
LE NUMÉRO TREIZE

qu’un pauvre paysan vous parlez comme un livre, on sait bien que ce n’est pas naturel… Oui, je raconte des histoires de lutins, de fées et de follets, mais — je ne les fréquente pas, moi, dit-elle avec éclat.

— Mathurine ! fit ma mère suppliante, ne parlez pas comme ça ! Pourquoi se contrarier entre braves gens ? Vous devriez bien plutôt nous chanter une de vos belles chansons, ma bonne Mathurine, sans vous commander.

— Pour ça, je veux bien, répondit-elle en se calmant. Qu’est-ce que vous voulez que je vous chante ?

— Ce qui vous plaira.

— Eh bien ! la Chanson du Rouet, puisque nous voilà quasiment toutes, la quenouille en main. Les jeunesses reprendront au refrain, à seule fin de me faire compagnie.

Elle équilibra ses besicles sur son nez, replaça sa quenouille dans sa ceinture et, tout en filant, d’une voix chevrottante, elle entonna sa chanson :

Quand je dus entrer en ménage,
Ma mère un rouet me donna,
Disant bonheur, c’est un gage,
S’il chan vent, ma Nina. »
Vite, jai la mesure,
Et l’entendis qui fredonnait ;
Sa roue était, je vous assure,
Comme un grand soleil qui tournait
Et de ma quenouille soyeuse
Naïssait le fl mince et propret :
Chante avec la vieille fileuse,
Chante en travaillant, mon rouet !