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MASKEK
Maskek (marais, marécage) Cris, tête-de-boule, otchipwé.

Maskeg est le nom d’un lac en Saskatchewan où les pères Oblats dirigent une mission,

Ce mot indien est passé dans le français et l’anglais.

On appelle maskeg, un terrain humide, boueux et dont les eaux n’ont point de déversoir. Le rivage ouest de la baie James est une suite infinie de maskeg où chaque automne des milliers et des milliers d’oies blanches se posent et s’engraissent avant d’émigrer vers le sud. (voir le mot KAPICKAU où il en est question).

En mars 1933, une trentaine d’Indiens se trouvent menacés par la famine aux sources de la rivière Ekwan, à environ 200 milles de la Baie James. La pêche, qui avait jusque-là assuré la subsistance du groupe, est devenu insuffisante. Chaque matin, toujours avec un espoir nouveau, les femmes vont visiter les filets immanquablement vides. Quand on réalise le danger, il est déjà trop tard pour entreprendre sans provision une marche de 200 milles vers la mission d’Attawabiskat sur la baie James. Tous, surtout les femmes et les enfants, se sentent trop affaiblis pour tenter ce suprême effort. On tient conseil, on s’alarme. Wabano, le plus fervent chrétien du groupe, propose de risquer sa vie pour le salut des autres. Il entreprendra le voyage seul, portant sur lui une lettre adressée au missionnaire d’Attawabiskat. S’il tombe de défaillance en chemin, il placera, selon la mode du pays, son message à destination. Il recommande à tous de prier sans cesse et d’économiser leurs forces jusqu’à l’arrivée du secours.

Quelques jours plus tard, un Indien du poste Nikitowisagi, en route vers la mission d’Attawabiskat, se fraie péniblement un chemin dans la poudrerie qui déferle. À l’embouchure de la rivière Ekwan, il aperçoit un bâton planté dans la neige, dont le bout fendu retient une lettre enveloppée dans une écorce de bouleau. Il s’approche et va s’en emparer quand son pied heurte un corps dur. De sa raquette il écarte la neige et reconnaît Wabano mort, gelé, les mains enlacées dans son chapelet. Le chasseur s’empare du message et franchit en toute hâte les quatorze milles qui le séparent de la mission. Quelques heures plus tard, deux attelages de chiens galopaient sur la rivière Ekwan, portant secours aux affamés. En récompense de cet acte héroïque, Dieu s’est choisi parmi les enfants de Wabano, une religieuse, Nancy Wabano, qui dépense sa vie au service des Indiens, dans l’école de la Pointe Bleue, au Lac St-Jean.

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