Page:Guinard - Les noms indiens de mon pays, 1960.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.

WAGISTIKWEIA
Wagistikweia (la rivière croche) Cris.
Racines : Wag : croche ; tikweia : rivière.

Plusieurs rivières portent ce nom. Sur les bords de l’une d’elles, très loin dans la forêt, vers Waswanipi, j’ai vu plusieurs orignaux en putréfaction : étranglés par les loups. Un jeune orignal encore vivant se tenait dans la rivière. Il avait reçu plusieurs coups de dents et tremblait de tout son corps. Quelques milles plus loin un gros orignal avait la tête plongée au fond de l’eau et mangeait les racines de plantes aquatiques. Nous cessâmes d’avironner pour ne pas le frapper avec le canot. Quand il leva la tête, il se tourna vers nous et nous regarda fixement, comme pour nous supplier de lui laisser la vie. J’ai souvent pensé que les bêtes considèrent l’homme, à bon droit, comme un protecteur.

Sur cette petite rivière sinueuse, je faillis brûler vif avec cinq Indiens. C’était la nuit, une pluie de feu venant d’une forêt embrasée tombait sur nous. Nous étions entourés d’herbes sèches et de vieilles épinettes particulièrement inflammables. Nous sautâmes dans notre canot, et je dis aux Indiens : « Prions, Dieu seul peut nous tirer de ce danger ». Nous récitâmes deux Pater et deux Ave et soudainement la pluie de feu s’arrêta.

WAGOCH
Wagoch (renard) algonquin.

Nom de plusieurs rivières et ruisseaux.

On évalue le renard selon sa couleur et son poil : le jaune, le rouge, le noir, le croisé, l’argenté et le blanc. Ce dernier rôde dans les contrées très froides du cercle arctique. Le jaune et le croisé sont plus nombreux mais moins estimés, tandis que le renard noir ou argenté est la coqueluche des élégantes. On chasse le renard pour sa fourrure et jamais pour sa chair.

Les renards ont mille ruses pour saisir leur proie et pour éviter les pièges. L’Indien qui tend au renard prend soin de cacher son piège en le recouvrant d’un bloc de neige durci qu’il a aminci à la hache, et, avant de quitter les lieux, il nivèle la neige pour que rien ne paraisse de ses traces. Ensuite il sort de son sac deux ou trois petits morceaux de poisson qu’il jette à quelques pas du piège. Un Indien, à qui je conseillais de mettre plus de poissons, me répondit : « Ce n’est pas chanceux ; quand il y a peu de nourriture, le renard en cherche davantage et se rend jusqu’au piège ».

— 180 —