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nais aucun nom géographique de notre région (saguenéenne) qui ne soit pas de langue montagnaise, si ce n’est le mot SAGUENAY. Il est absolument certain que, s’il y a eu d’autres races au Saguenay avant les Montagnais, celles-ci n’ont laissé aucune trace de leur passage dans les noms géographiques, lesquels sont tous de langue algonquine, c’est-à-dire la langue mère de tous les dialectes des Indiens des bois : que ce soit le Cris, le Montagnais, l’Algonquin, l’Abénaquis, le Micmac, l’Outaouais, l’Otchipwé, etc.

Il est universellement admis, parmi les ethnologues, que les Montagnais — Naskapi habitent la région du Saguenay depuis longtemps (2,000 ans, selon quelques-uns). On se base sur les mœurs et non sur la langue pour l’affirmer. Nous savons qu’il n’y a pas eu de migrations parmi les Montagnais depuis l’arrivée des blancs, sauf peut-être un petit déplacement temporaire à cause des incursions des Iroquois ; mais nous savons également que la langue qui se parlait à l’époque du père de Crespieul n’était pas tout à fait celle qui se parle aujourd’hui. Elle ressemblait plutôt à la langue dite crise de la Baie James et du lac Mistassini.

« Certains ethnologues croient que ce changement est dû à l’extinction des populations entre la période 1700-1720, lors de l’abandon des postes et des ravages de la peste…

« Bref, il n’y a pas de noms géographiques de notre région qui sont autre chose que du montagnais ancien ou moderne. »

Le Saguenay est un tributaire du Saint-Laurent. Un trait caractéristique du Saguenay c’est son fjord, un bras de mer sinueux d’une largeur moyenne d’un mille et d’une longueur de 75, encaissé entre des rochers à pic qui, à certains endroits, dépassent 1500 pieds de hauteur. Il donne l’impression d’une majesté mystérieuse et farouche, plus propre à émouvoir le voyageur qu’à attirer le colonisateur. Sa profondeur dépasse généralement 800 pieds. À 50 milles de son embouchure, il se divise en deux, formant au sud la Baie des Haha et au nord le « bras du Nord » ou de Chicoutimi. Il est navigable à eau profonde jusqu’au fond de la Baie des Haha et, par un chenal entretenu, jusqu’à la ville de Chicoutimi. Ce n’est qu’aux termes de le navigation que les rives du Saguenay s’adoucissent et deviennent hospitalières, L’entrée du Saguenay est dangereuse à cause des courants occasionnés par les marées. Jacques Cartier faillit y perdre l’un de ses navires, l’Émerillon. Le premier prêtre qui parcourut les bords du Saguenay, habités par les Montagnais, fut le Père Dolbeau, récollet (1615) ; son zèle le poussa à s’enfoncer dans la forêt dès son

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