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La chose est bien simple. On mâche la lettre écrite, on en fait dans la bouche une boulette molle et collante et, d’une main adroite, on lance le paquet sur une des statues. Si la boule blanche s’écrase et s’attache au corps rouge du concierge, la lettre sera remise.

Un fait singulier, c’est que, lorsque l’on accomplit cette cérémonie et qu’on est en même temps affligé d’un mal de dents, la douleur cesse au moment même où la boulette touche la statue.

La chose a été si bien remarquée que, dès qu’on a mal aux dents à Tokio, alors même qu’on n’a point l’intention de pousser jusqu’au grand temple, on vient devant la porte du jardin, on mâche son petit papier, on le lance et l’on s’en retourne parfaitement guéri.



L’entrée du temple d’Aksakssa

Les énormes statues finiraient par disparaître sous les couches, indéfiniment renouvelées, de papier mâché. Pour les sauvegarder, on les a mises en cage et entourées d’un grillage à maille serrée. Mais les dévots sont adroits et ingénieux et trouvent moyen, en divisant leur projectile d’atteindre les colosses rouges dont les membres furieux se couvrent peu à peu d’une croûte informe et grisâtre.

Des nuées de pigeons volent autour de nous et viennent de temps à autre s’abattre bruyamment sur le sol. Ceux-là sont aussi des messagers qu’on peut charger de transmettre les prières. Une poignée de grains qu’on leur jette a fait souvent réussir bien des entreprises. En effet, ces pigeons vont et viennent, tantôt ils se posent sur un temple, tantôt sur l’autre ; quelquefois même, on les voit s’accrocher à l’épaule d’un dieu de bronze et lui parler à l’oreille ; ils pénètrent sans hésiter dans les sanctuaires et rasent de l’aile les objets sacrés. On sait très bien que leur principale occupation est de mettre les dieux au courant de tout ce qui se passe ; sans cela à quoi servirait cette grande activité qui ne leur laisse pas un moment de repos ; pourquoi iraient-ils ainsi, sans s’arrêter, d’un temple à l’autre ; et pourquoi, dès qu’ils ont mangé